Journal du 26 avril au 3 mai 1918 - Nous quittons l'enfer du Kemmel

Publié le 4 Mai 2018

 

Vendredi 26 avril 1918

 

La soirée d’hier a été relativement calme, occupée de part et d’autre à l’étude et aux réglages des nouveaux barrages d’artillerie. Les Boches, devant moi, sont aux fermes situées en avant du Kemmel ; leurs mitrailleuses tirent sur la crête au moindre mouvement…

 

Nuit calme… pluie… J’ai bien dormi, car j’étais accablé.

 

A quatre heures trente, j’alerte mes hommes : je vois derrière moi sur la crête, des lignes de tirailleurs, baïonnette au canon. Je vais reconnaître : c’est le 153e qui se prépare à contre-attaquer au petit jour… Le tir de notre artillerie est nul… Il fait du brouillard ; un « sale » temps… de la boue… A cinq heures, le 153e nous dépasse : les gars sont plein de courage : un quart d’heure après, les mitrailleuses boches tirent et bientôt les vagues refluent jusqu’à nous : rien à faire. Les assaillants se reforment, partent à nouveau et vont prendre position au contact de l’ennemi sur la crête en face de nous.

 

Plus heureux, les Anglais reprennent le village du Kemmel, capturent six cents prisonniers ; mais ils doivent ensuite abandonner leurs gains.

 

Les deux artilleries sont actives. La crête du Scherpenberg - La Clytte[1] est bombardée ; les troupes qui sont à cent cinquante mètres derrière nous n’ont pas beau jeu. Je crois que ma tranchée est connue maintenant, car le 77, voire les 210, n’en tombent pas loin. Vers seize heures, le boqueteau qui se trouve à ma droite et où se tient en batterie la 1re section de ma Compagnie, reçoit une trentaine de 77 : le Lieutenant Navoly[2], mon chef de peloton est blessé, le Capitaine est tué… vite la relève… !

 
Soldat (poilu) observant un obus exploser (vers 1917 - 1918)

Soldat (poilu) observant un obus exploser (vers 1917 - 1918)

 

Samedi 27 avril 1918

L’ordre de relève est venu inopinément à vingt heures. Nous avons quitté notre position sans regrets. Calme complet… Quelques obus en traversant Reninghelst[3]… Cote 49… Nous arrivons à trois heures du matin au bivouac, à deux kilomètres de Poperinghe… Tout le Bataillon est rassemblé… peu de monde… On ne sait combien de temps nous serons là… Il pleut… Nous nous trouvons au voisinage d’un Camp anglais et notre passe-temps, toute la journée, est de rendre visite aux Tommys[4].

 
L'église de Reninghelst détruite (vers 1917 - 1918)

L'église de Reninghelst détruite (vers 1917 - 1918)

 

Dimanche 28 avril 1918

Nous avons embarqué ce matin, deux heures, sur la route l’Abeele – Poperinghe, après quatre heures d’attente sur la chaussée, a la pluie et au vent… Il est huit heures trente lorsque les autos nous déposent à Rexpoede (France). Itinéraire : Rousbrugge, Beveren, Oostkapelle. Nous sommes disséminés dans les grandes fermes du pays, jusqu’à deux kilomètres du village.

 
Convoi automobile de soldats (Vue stéréoscopique - vers 1917)

Convoi automobile de soldats (Vue stéréoscopique - vers 1917)

 

Lundi 29 avril 1918

J’ai dormi comme une brute heureuse… Depuis hier midi, un roulement formidable de canon dans la direction du Kemmel. Antoine (frère de Frédéric B., aumônier) est à Rexpoede ; je l’avais déjà revu au bivouac… Messe pour les morts de la Division.

 

MAI 1918

 

Mercredi 1er mai 1918

Embarquement en chemin de fer à la gare de ravitaillement anglaise de Wayencourt, station après Rousbrugge. Nous démarrons à douze heures, en direction de Rouen, dit-on.

 
Itinéraire de déplacement du 99ème RI en mai 1918 (via Google Maps)

Itinéraire de déplacement du 99ème RI en mai 1918 (via Google Maps)

 

Vendredi 3 mai 1918

Rouen ! C’est à Chalons-sur-Marne que nous échouons à cinq heures du matin… Le Bataillon est cantonné à sept kilomètres de Chalons : deux Compagnies à Moncetz-sur-Marne, la 2e et la Compagnie de mitrailleuses à Longevas[5].

 

 

[1] En Belgique (Flandre occidentale). Aujourd’hui s’y trouve un cimetière militaire britannique.

[2] Gaston NAVOLY, au 99e R.I. de Frédéric B. depuis le 18 novembre 1916 comme sous-lieutenant.

[3] Reningelst : section de la ville belge de Poperinge située en Région flamande dans la province de Flandre-Occidentale

[4] Surnom donné aux soldats britanniques par les Français.

[5] Cantonnement de Frédéric B., qui dirige pour l’heure une section de mitrailleuses.

 

Itinéraire de déplacement du 99ème RI en mai 1918 (JMO - Mémoire des Hommes)

Itinéraire de déplacement du 99ème RI en mai 1918 (JMO - Mémoire des Hommes)

Rédigé par Frédéric B.

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