Journal du 11 août au 11 septembre 1916 - Moral en hausse!

Publié le 11 Septembre 2016

 

Vendredi 11 août 1916

Nous allons au travail tous les jours, de trois heures du matin à dix heures, à la transversale du Fort de Moulainville. Le reste du temps, nous avons notre liberté. On m’a proposé pour la quatrième fois comme élève aspirant… A la grâce de Dieu !

 

Samedi 19 août 1916

Le Colonel m’a fait appeler avec un des autres candidats E.A. de la Compagnie. Moral bon : mais il n’y a encore rien de sûr. Fiat !

 

Vendredi 25 août 1916

Nous devions être relevé hier soir et descendre pour quatre jours à La Chiffour ; mais un contrordre est arrivé. Nous restons quatre jours de plus ici et continuons les travaux comme par le passé.

Les bruits les plus fantaisistes, les plus sinistres courent sur notre prochain secteur. La 154e et la 27e Division d’infanterie seraient relevées : resterons-nous à La Laufée ou plus à gauche ? Ou le 154e Corps sera-t-il relevé tout entier ?…

Pour moi, j’attends avec impatience la décision prise à mon égard. Si je pars comme Elève Aspirant, je demande à Dieu sa grâce et sa force pour remplir mes nouveaux devoirs, en cas de succès…

 

SEPTEMBRE 1916

Mercredi 6 septembre 1916

Nous venons de passer huit jours de repos à La Chiffour, entrecoupés de deux nuits de travail aux ouvrages d’Eix. Le temps s’est écoulé rapide et, ce soir, le Bataillon remonte à La Laufée dans le même secteur que précédemment. Mais, cette fois, ma section est en réserve, poste plus périlleux. Dieu me garde !

Depuis huit jours, je sais ne plus devoir compter sur les E.A. J’avais remis la cause entre les mains du Bon Dieu : que sa Volonté soit faite ! Evidement, je serais parti ces jours-ci pour Saint-Cyr ; pour l’avenir, j’aurais eu à envisager de rudes devoirs, de lourdes responsabilités…

J’ai communié ce matin. Mon Dieu, je suis faible, je suis fatigué, prenez-moi sous votre sauvegarde. S’il vous plaît de me rappeler à vous, fiat ! Mais faites que ma dernière pensée soit pour vous que je voudrais aimer sans faiblesses.

Aidez-moi, ô Mon Dieu !

 

Soldats britanniques en communion - 1916

Soldats britanniques en communion - 1916

 

… Je suis poursuivi par de tristes pressentiments. J’en ai honte. C’est manquer de confiance en vous, mon Dieu. Qu’importe la mort, pourvu que je fasse mon devoir et que je meure près de vous.

Ma dernière pensée va à maman, à mes sœurs, à mes frères, à toute ma famille, à la France, à vous Jésus, à vous, ma bonne Mère du Ciel, en qui j’ai si grande confiance !

… Nous quittons ce soir le Camp de La Chiffour pour monter à La Laufée : mon Bataillon dans le secteur Ferme Bourvaux – Ferme Dicourt ; le 2e à notre gauche, le troisième en réserve. Ma Compagnie réoccupe, au Ravin de Beaupré, son premier emplacement… Moral sombre : je suis las… Pourtant j’ai communié ce matin. Je devrais rester calme…

Préparatifs de départ ; distribution de vivres de réserve, grenades ; revues… Les hommes sont d’une humeur détestable ; plusieurs sont ivres.

J’ai dîné avec Antoine ; puis nous avons passé ensemble à la « Cagnat du Bon Dieu » pour me recommander à Lui.

 

Jeudi 7 septembre 1916

La relève s’est effectuée normalement. Ma section qui devait être en réserve près du poste de Commandement du Capitaine, a repris son emplacement primitif, dans la tranchée Marion qui barre le Fond de Beaupré. Nous avons relevé le 137e d’infanterie. Son séjour a été calme. La consigne essentielle est de se tenir caché des aéros. La tranchée ne semble pas avoir été marmitée depuis notre dernier séjour ! Mais les pluies l’ont fait ébouler ; elle a besoin de réparations.

Journée calme : la situation s’est améliorée depuis le mois passé, où le secteur du Bataillon était marmité sans interruption avec violence ; le Plateau de la Batterie de Damloup disparaissait alors sous une fumée noire. Maintenant le tir de l’artillerie s’est fort ralentit ; la plupart des obus passent sur nos têtes pour aller s’écraser près du Tunnel de Tavannes.

J’ai revu avec émotion le Ravin de Beaupré, où le 1er août, le Bon Dieu m’a si manifestement protégé. Je suis allé jusqu’au trou d’obus où l’un de mes poilus vint mourir, le pauvre seul, sous les obus et le soleil ardent, sans qu’il fut possible de lui porter secours. Ici, un autre est tombé au fond du boyau, un éclat d’obus dans les reins… Ils dorment à la lisière du Bois Rectangulaire de leur dernier sommeil. Mais leur tombe s’est affaissée ; elle disparaîtrait si la croix ne la surmontait toujours. J’ai entouré cette humble tombe d’une ceinture de fils de fer barbelés pour éviter sa disparition ; deux vieux fusils, les leurs peut-être, ramassés là et croisés sur le tertre, rappellent aux poilus de passage le sort de beaucoup d’entre nous : mourir ignorés pour le rachat de la France.

Nous tombons dans une période de pleine lune qui rend la surveillance plus facile et les corvées nocturnes moins pénibles.

 

Un soldat de la croix rouge plantant des croix pour marquer des sépultures de poilus - 1916

Un soldat de la croix rouge plantant des croix pour marquer des sépultures de poilus - 1916

 

Vendredi 8 septembre 1916

C’est la fête de la Sainte Vierge. A Lyon, la foule massée sur les quais de la Saône, est bénie solennellement par l’archevêque du haut de l’abside de Fourvières…

1914 : c’était la Marne, jours d’espérance, après les journées sombres d’angoisse nationale… Depuis, que d’étapes parcourues ! Que de deuils et de souffrances ! Et la guerre n’est pas au terme. Seule nous reste l’espérance de la victoire, fondée sur notre résistance, notre vitalité nationale. L’avenir n’en demeure pas moins sombre.

Le 2e Bataillon est monté dans la nuit ; il est à notre droite ; la 5e Compagnie est en liaison avec la 3e à la tranchée Wissembourg, occupée à la gauche de la Compagnie par la 4e Section.

Cette nuit, j’ai reçu la visite de Mon Dieu ! Mon ami Cursoud, prêtre, de la 5e Compagnie, est venu me voir et m’a donné la Communion. C’est alors que l’on sent la sublime grandeur de cette Union divine et soi-même, pauvre petit être ballotté au milieu de toutes les souffrances humaines, faible et las, l’on se sent réconforté, soulagé, tout au sentiment de la pauvreté de l’homme en la présence de Jésus.

Journée calme… Décidément, je me tourmentais fort inutilement avant de monter.

 

Samedi 9 septembre 1916

Journée calme. Pourtant nos 75 et 155, nos 270 s’en donnent.

Un incendie dans Damloup.

 

Eglise de Vaux devant Damloup incendiée

Eglise de Vaux devant Damloup incendiée

 

Dimanche 10 septembre 1916

Cursoud m’a encore apporté la Communion cette nuit, je suis heureux.

Nos premières lignes continuent de rester calmes. Le tir d’artillerie est dirigé surtout sur les communications d’arrières et les Batteries.

 

Lundi 11 septembre 1916

Jour semblable aux autres, sauf que le temps se gâte et que notre séjour touche au terme.

 

Soldats dans la bous des tranchées

Soldats dans la bous des tranchées

Rédigé par Frédéric B.

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