Mercredi 13 avril 1915
Deuxième patrouille. Je suis resté deux heures dans un trou d’obus.
Dimanche 18 avril 1915
Nous sommes relevés par le 414e et partons pour une destination encore imprécisée. Nous allons passer vingt-quatre heures à Méricourt où je vois Antoine. Le soir, souper avec lui, Charavay et les amis.
Lundi 19 avril 1915
Cinq heures du matin : départ pour Suzanne - Maricourt, par Froissy, Bray, Cappy. Chacun emporte un jour de vivres. La marche est pénible. Nous arrivons à midi à Maricourt, où la Compagnie reste au repos.
Maricourt, bâti sur un dos d’âne, est à demi ruiné. Quelques civils, des vieux… Nos lignes sont en saillant à huit cents, mille mètres du village. De part et d’autre, beaucoup d’artillerie. Le secteur est tranquille, je crois. Nous logeons dans une grange au toit crevé par un obus.
Mardi 27 avril 1915
Nous nous sommes rendus ce matin à notre nouvelle tranchée, après huit journées assez paisibles passées à Maricourt et occupées à des travaux de terrassement, par équipes de jour et de nuit.
La nuit, le canon tonnait par intermittence de part et d’autre. Les premières nuits, cela était assez pénible. Nous avons eu une alerte : dans la nuit de mercredi 21 au jeudi 22, une violente canonnade nous réveilla vers une heure du matin. Elle semblait venir de Fay. Nous apprîmes, dans la suite, que les Allemands avaient attaqué le Bois Filippi, à la suite d’une explosion de mine, mais qu’ils avaient été repoussés. Notre nouveau secteur ne paraît pas mauvais.
La tranchée que nous occupons a été prise le 17 décembre. L’ennemi occupe en contrebas un ravin qui va de la route de Peronne à la Somme. La distance moyenne est d’environ quatre-vingt à cent mètres. Au contraire de Foucaucourt, le terrain accidenté ne laisse voir les tranchées ennemies qu’en face sur l’autre revers du ravin.
Jusqu’ici, nous avons vécu tranquilles. Quelques crapouillauds, de part et d’autre. Les éclaireurs creusent un poste d’écoute : cela nous occupe trois jours, de jour et de nuit. Mercredi, nous avons enterré quelques cadavres ennemis. La lutte a du être chaude car, à chaque instant, en creusant des boyaux, on en découvre. On rebouche le trou et l’on plante une croix avec l’inscription : "Soldat inconnu".
Patrouille sur la droite le dimanche 25 ; je demeure en réserve dans un trou d’obus.
Le tir des crapouillauds est du plus grand intérêt, mais seulement lorsqu’on les lance soi-même.
Jeudi 6 mai 1915
Nous sommes descendus ce matin au repos à Bray-sur-Somme où se trouve Antoine. Nous demeurerons huit jours l’un auprès de l’autre.
Dimanche 9 mai 1915
Nous apprenons le torpillage du Lusitania, avec stupeur et colère. Communion ce matin à la messe d’Antoine. J’ai passé toute l’après-midi avec lui. Le soir, la musique du 99e donne un concert ; à dix-neuf heures, on affiche à la Division un communiqué annonçant un heureux coup de main sur un ouvrage allemand à Lens.
Mercredi 12 mai 1915
Tous ces jours, un peu d’exercice, des marches. Depuis trois jours, les communiqués nous apprennent les victoires de nos troupes devant Arras. Si ce pouvait être la Grande Trouée qui commence ! Cela hâterait peut-être la fin de la guerre. Mais s’il en est ainsi, c’est l’heure d’avoir du courage. J’espère que le Bon Dieu m’aidera à faire mon devoir.
Jeudi 13 mai 1915
C’est le jour de l’ascension ! Repos complet. Nous remontons aux tranchées ce soir, dans le même secteur. Le soir, je fais mes adieux à Antoine ; puis, nous rendons tous deux visite à la Sainte Vierge. J’ai bon courage.
Reviendrons-nous à Bray ? Si notre progression devant Arras continue à s’affirmer victorieuse, peut-être y aura-t-il du mouvement…
Vendredi 14 mai 1915
Nous sommes arrivés fourbus à la tranchée, après vingt minutes de boyaux détrempés par la pluie. Ma section est à la droite de la Compagnie. Manque de confort : deux cagnats pour cinquante hommes !
Midi : nos artilleurs lancent trois bombes sur le petit poste allemand. La réponse ne tarde pas, à coups de bombes et de 77. Puis, tout rentre dans le calme.